mardi 26 février 2013
Un dimanche d'hiver
samedi 23 février 2013
J'dirai plus jamais câline devant toé...
Aujourd'hui, on va parler gros mots (désolée pour les oreilles raffinées). Car au Québec, les jurons ne manquent pas, et ils sont très différents de ceux que nous utilisons en France. Il y a bien sûr le fameux "tabernacle", qui est bien plus grossier que je ne l'imaginais. Mais il y en a pleins d'autres, que j'entends de temps en temps : câlice (et sa variante câline), hostie, marde, viarge, maudit, criss (pas sûre de l'orthographe)... et énormément de variantes, que je suis loin de toutes connaître !
Géraldine Woessner en parle très bien dans son livre Ils sont fous ces québécois ; écoutez plutôt :
Géraldine Woessner en parle très bien dans son livre Ils sont fous ces québécois ; écoutez plutôt :
"Au chapitre touristique, c'est la curiosité la plus réputée de la province. "Hostie, tabernacle, ha ha !" rigole invariablement le Français en croisant un cousin d'Amérique du Nord. "Criss de niaiseux", pense l'autre, mais il ne dit rien et sourit poliment, car c'est un Québécois, et que les Québécois ont horreur de la chicane. Donc, le Québécois sacre, c'est un pléonasme. Il sacre depuis que le Québec existe. Il a d'abord sacré en français au temps de la colonie, torrieu (je fais du tort à Dieu), jarnigouenne (je le renie)...Mais un jour, crac. La racine linguistique s'est comme scindée en deux. En se mêlant à la terre, une langue nouvelle est née. Dans le courant du XIXè siècle, les Québécois, économiquement dominés par les Anglais et socialement écrasés par l'Église, ont bien dû se résigner et continuer à vivre ! Mais c'est en maugréant. Et pas qu'un peu. L'exutoire devait être à la mesure de l'oppression subie, sans toutefois exposer le sacreur au terrible danger de l'excommunication. "Nom de Dieu!" c'était trop frontal. Le Québécois a contourné l'obstacle en se fixant sur les objets du culte. Alors, et alors seulement, le sacre a pu prendre son envol pour atteindre, quelques siècles plus tard, un degré de raffinement ultime dans la grossièreté langagière. Aucun pays au monde ne connaît d'équivalent. A partir d'une quinzaine de mots, des bataillons de chercheurs en ont recensé plus de deux mille, s'agençant à l'infini dans des trésors de créativité. Certains sont devenus des adjectifs, des substantifs, des adverbes, d'autres ont connu de multiples variations, ils s'assemblent entre eux pour former de nouveaux mots, jusqu'à cette apothéose que furent les concours de sacre, durant lesquels les participants devaient produire la chaîne de sacre la plus longue, sans se répéter. Par exemple : "Câlice d'esti de calvaire de tabernak d'ostie d'ciboire de sainte-viarge". Essayez de le crier en marquant les consonnes, vous avouerez que c'est défoulant."J'ai aussi relevé un extrait de l'excellent Bonbons assortis, de Michel Tremblay. C'est un passage tellement drôle et tendre en même temps, où le petit Michel, tout intimidé, téléphone au Père Noël...
"T’es exigeant, toé, câline ! Chus pas supposé de dire aux enfants que c’est que je vas leur z’apporter!"
J’ai tourné la tête vers ma tante Robertine.
"Le père Noël, y dit câline, comme mon oncle Bebé ! C’est pas beau, hein ?"
On dirait qu’elle veut rire, mais qu’elle se retient, encore une fois…
"Ma matante fait dire de ne pas dire câline, père Noël, c’est pas beau !"
Le silence se fait au bout de la ligne. J’entends un son étouffé, comme quelqu’un qui cache son rire dans son poing.
"Êtes-vous toujours là ? C’est un longue distance, ça, là, ça nous coûte cher !"
Le père Noël finit par me répondre, mais sa voix a changé et me paraît encore plus familière.
"Noëlla vient justement de me dire la même chose. Excuse-moé, Michel. J’dirai plus jamais câline devant toé… "
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