mercredi 26 juin 2013

Impressions du Vieux-Port

Je n’étais pas vraiment retournée au Vieux-Port depuis cet hiver. Les dernières images qui m’en restaient étaient celles de grandes étendues blanches, du Saint-Laurent immobile et gelé, de la patinoire Bonsecours et de ses joyeux patineurs, d’un beau soleil d’hiver et de sa réverbération aveuglante sur la neige. Des morsures du froid dans les jambes et les mains, adoucies par la caresse du soleil. D’un ciel tout bleu et pur. Ma rencontre avec l’hiver montréalais.
Il n’y a bien sûr plus de glace depuis longtemps au Vieux-Port, si ce n’est en cornet. Les pédalos ont remplacé les patins. La silhouette des passants s'est affinée, dénudée, et assouplie. Les terrasses se sont remplies de monde, et les enfants jouent toujours, mais à des jeux différents.

Je me suis assise sur un banc, et je suis restée là un long moment. À observer les promeneurs et les bateaux, dans la moiteur de cette journée lourde d’orages. L’humidité formait un brouillard qui voilait l’horizon, et ma peau était toute imprégnée de cet air immobile et tiède. Le cri des mouettes, l’odeur marine du Saint-Laurent mêlée à celle des moteurs de bateau, les vendeurs de glaces et le bruit des vagues, tout m’évoquait la douce atmosphère d’une ville côtière. La vision du fleuve se télescopait dans mon esprit avec des images d’autres rives, celles de l’Hudson à New York, l’embouchure du Tage à Lisbonne, la méditerranée niçoise.

Devant moi déambulaient les promeneurs du dimanche. Une foule au pas lent, bigarrée, bavarde et joyeuse. Jamais la diversité ethnique de Montréal ne m'avait autant frappée. Slaves, Sud-américains, Africains, Magrébins, Indiens, Européens, Asiatiques...c'est le monde entier qui défilait sous mes yeux. Des premières, deuxièmes ou troisièmes générations, et aussi sans doute quelques touristes. Les chiffres de l'immigration montréalaise me revenaient à l'esprit : près de quarante mille immigrants chaque année, plus de cent nationalités représentées à Montréal… J'entendais parler toutes les langues, mais surtout cette langue française plurielle d’ici, teintée de mille accents, venue de tous les horizons de la francophonie et d'ailleurs.
On entendait au loin, de l’autre côté du fleuve, les rumeurs du Piknic Électronik au parc Jean Drapeau. Là-bas, des gens faisaient la fête, dansaient, se baignaient, jouaient au volleyball.
Je n'ai pas pris de photo cette après-midi-là. J'aurais pu photographier ma glace à la mangue, ou ce petit caneton sur le canal qui, fatigué de remuer les pattes, avait grimpé sur le dos de sa maman canard et amusait les passants. Ou les beaux bateaux du port et leurs occupants, qui lézardaient sur le ponton autour d'un verre de vin. Mais je n'avais pas anticipé une quelconque envie d'écrire, et donc encore moins celle d'illustrer. Il ne me reste donc que des mots pour partager tous ces moments, m'en souvenir, et les prolonger encore un peu avant leur fuite.

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